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    Claude Huguenin : lecture, la méthode des Alphas

    L’enfant se met naturellement à parler, sans que l’on ait grand-chose à faire, sauf à le féliciter ! Pourquoi en va-t-il autrement de la lecture ? Parce que, à l’inverse du langage oral, apprendre à lire est complexe et nécessite un véritable apprentissage. Pour aider les enfants et éviter les situations d’échec, Mme Claude Huguenin, psychopédagogue, a conçu une méthode de lecture maligne et ludique : La Planète des Alphas. Interview.

    Comment vous est venue l’idée de la méthode des Alphas ?
    Après des études de psychologie et de pédagogie, je me suis spécialisée dans l’apprentissage du langage écrit, c’est-à-dire dans la lecture et l’écriture. En tant que psychopédagogue, j’ai ainsi travaillé pendant des années avec des enfants qui ont des problèmes pour lire. Je connaissais à peu près toutes les méthodes de lecture, mais aucune ne me semblait vraiment satisfaisante. Au bout d’une dizaine d’années, vers la fin des années 90, j’ai commencé à mettre en place une méthode, en transcrivant notre système alphabétique pour un monde d’enfants.

    Comment fonctionne votre méthode ?
    Avant de détailler la méthode des Alphas, il faut bien que vous sachiez que, pour apprendre à lire, l’enfant doit comprendre notre système d’écriture.

    Qu’entendez-vous par « système d’écriture » ?
    Il y a dans le monde deux grands systèmes d’écriture. Le premier représente, à travers un symbole, directement l’objet ou l’idée. C’est ce que l’on appelle les « écritures idéovisuelles » – le chinois, par exemple. L’avantage, c’est que lorsque l’on reconnaît un symbole on a immédiatement accès au sens ; l’inconvénient, c’est qu’il faut en connaître des milliers. C’est le tout premier système d’écriture : dans le chinois ancien, il y avait près de 50 000 symboles ! Ensuite, un autre système d’écriture, plus élaboré, est apparu. L’être humain a cherché à traduire de manière extrêmement fidèle la parole, « en la dessinant » par des signes graphiques. Deux façons de procéder sont utilisées de nos jours. Dans l’une, le symbole représente la syllabe : on parle alors d’écriture syllabique, très présente dans les écritures africaines. Par exemple, si je veux représenter le mot « moto », il me faut un premier symbole pour « mo » et un deuxième pour « to ». Mais si le mot commence par « ma », il en faut un autre. Cela réduit grandement le nombre de symboles par rapport aux écritures idéovisuelles, mais quelques centaines sont tout de même nécessaires.

    Et l’autre manière ?
    L’autre manière est l’écriture alphabétique, extrêmement ingénieuse et astucieuse, où l’on représente, avec très peu de symboles (26 lettres en français, par exemple), tout le langage oral. L’avantage, c’est qu’il y a très peu de symboles à mémoriser ; l’inconvénient, c’est qu’il faut comprendre comment cela fonctionne.

    Comment l’enfant va-t-il procéder ?
    Apprendre à parler, pour un enfant, est totalement naturel. Un enfant qui n’a pas de problème va commencer à parler vers un an et demi. C’est génétiquement programmé, il n’y a rien à faire de particulier. Alors que pour l’écriture il va devoir comprendre comment les adultes ont transposé le langage oral.

    Comment passe-t-il du langage oral au langage écrit ?
    L’enfant a l’impression que la parole est complètement fluide. Il n’a pas conscience que celle-ci peut se traduire en mots (et encore moins en phonèmes). Dans un premier temps, il va devoir comprendre que le langage peut se décomposer oralement en mots, eux-mêmes constitués de phonèmes. Par exemple, si l’on prend le mot « fil », il va, oralement, pouvoir décomposer en /f/, /i/ et /l/. Quand il acquiert cette aptitude, on dit qu’il a la « conscience phonémique » –, c’est-à-dire qu’il a conscience de ces petites unités à l’intérieur du langage oral.

    Et dans un second temps ?
    Ensuite, l’enfant va comprendre que ces petits symboles – c’est–à-dire nos lettres – représentent ces fameux phonèmes. Si l’on reprend l’exemple de « fil », il va relier la lettre « f » au phonème /f/ du langage oral. Une fois ces étapes acquises, quand il va lire « mur », par exemple, il va donner à chacune des lettres « m », « u » et « r » sa valeur phonétique et prononcer le mot. Mais il lui faudra encore un peu de temps pour que la signification de ce qu’il vient de lire prenne sens. On voit l’enfant qui fait cet exercice dans sa tête : il va prononcer très lentement « m… u… r », on le voit qui réfléchit, et tout d’un coup il va dire : « Ah, oui, un mur pour grimper ! »

    Cela semble long et fastidieux !
    En effet, pour devenir un lecteur habile, les recherches scientifiques ont démontré que l’enfant devra déchiffrer entre 3 et 15 fois un mot pour que celui-ci soit automatisé. Il est primordial de bien respecter ce processus et de ne pas sauter les étapes en voulant aller trop vite. Il faut respecter la progression et ne pas tout de suite vouloir lui faire comprendre les difficultés orthographiques (comme, par exemple, que le phonème /f/ peut s’écrire aussi « ph »).

    Pourtant, cela nous paraît si simple…
    En effet, en tant qu’adultes, nous trouvons les lettres très faciles. Mais on ne se rend pas compte à quel point celles-ci sont abstraites et totalement arbitraires. Le phonème /a/ aurait pu s’écrire d’une autre manière que par la lettre « a ». Rien de rationnel ne relie cette dernière au phonème /a/. Si vous prenez l’alphabet arabe, par exemple, les phonèmes sont représentés par des symboles totalement différents.

    Expliquez-nous la méthode des Alphas…
    J’ai voulu enlever ce côté arbitraire en imaginant un alphabet concret et ludique où l’enfant peut relier le phonème à la lettre de manière logique. On raconte aux enfants une histoire captivante, dont les héros, les Alphas, ont des caractéristiques étonnantes : ils ont à la fois la forme des lettres et une raison d’émettre leur son. De plus, le nom de chaque Alpha commence par la lettre qu’il représente. Par exemple, monsieur O est un personnage tout rond qui adore faire des bulles bien rondes en poussant des « oooh ! » admiratifs. Ou encore, le « f » est une fusée dont le bruit du moteur fait « fff ! » Ainsi, tout en s’amusant, en nouant des relations affectives fortes avec ces personnages sympathiques, les enfants vont rapidement et spontanément avoir le « déclic lecture ».

    Votre méthode semble trop ludique pour être scientifique…
    Détrompez-vous ! La méthode des Alphas a fait l’objet d’une évaluation scientifique par l’ULB (l’Université libre de Bruxelles), sous l’égide de José Morais, directeur du Laboratoire de psychologie cognitive, et elle est cautionnée par les plus grands scientifiques. Elle a également eu la reconnaissance de l’UNESCO, qui l’a notamment intégrée à divers programmes d’alphabétisation. En France, en Suisse et en Belgique, la méthode a suscité un énorme engouement auprès des enseignants, enseignants spécialisés et orthophonistes. C’est aujourd’hui plus de 40 000 utilisateurs professionnels qui l’utilisent, aussi bien pour l’éveil à la lecture en classe de maternelle que pour l’apprentissage de la lecture en classe de CP, ou encore avec des enfants en difficulté.

    Cette méthode, longtemps réservée aux enseignants, est maintenant disponible pour les parents…
    Oui, l’idée est d’aider les enfants à avoir le « déclic lecture » pour qu’ils ne se retrouvent pas en situation d’échec. Mais le but n’est surtout pas de se substituer à l’enseignant et d’apprendre à lire à son enfant soi-même. L’objectif est de les initier en douceur à la lecture, en veillant à toujours garder un côté ludique, sans aucune obligation de résultat. Il faut que cela reste un plaisir avant tout !

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