• S'inscrire à la newsletter
  • Le Mag
S'inscrire à la newsletter

Je m'inscris à la newsletter de Bubble

Boite à outils

    L’art de se faire obéir sans punir

    Pédopsychiatre, Gilles-Marie Valet est l’auteur de « Se faire obéir sans (forcément) punir ! ». Confronté, au quotidien dans son cabinet, aux enjeux éducatifs liés à l’autorité, son approche, entre laxisme et autoritarisme, se veut à la fois efficace et respectueuse de l’enfant.

    Le titre de votre avant-dernier livre Se faire obéir sans (forcément) punir ! ne fait-il pas un peu marketing ? Peut-on réellement se faire obéir sans jamais punir ?
    Oui ! Mais ne pas punir ne veut pas dire ne rien faire. Je distingue la punition de la sanction qui consiste à signifier les choses – en permettant à l’enfant de comprendre en quoi son comportement, ses propos ne sont pas adaptés, mais sans chercher à le mortifier. Or, dans la punition, il y a très souvent l’idée qu’il faut que l’enfant paye pour ce qu’il a fait.

    Mais expliquer est-il suffisant ?
    Non ! Sanctionner, c’est également tirer les conséquences des comportements inappropriés de l’enfant en appliquant des sanctions à caractère pédagogique. La connexion entre bêtise et sanction (réparation, privation ou isolement) doit être évidente : si l’enfant casse un vase, le priver de télé n’a aucun sens. Demandez-lui plutôt de réparer le vase ou d’en racheter un avec son argent de poche. En revanche, le priver de télé parce qu’il ne passe pas assez de temps sur ses devoirs a du sens.

    D’accord, mais la réparation n’est pas toujours possible…
    C’est alors une réparation symbolique, adaptée à l’acte, où l’enfant qui a fait quelque chose de « mal » a l’opportunité de faire quelque chose de bien. J’insiste sur le fait que la réparation doit être adaptée. C’est ce qui, notamment, différencie la sanction de la punition qui, elle, est appliquée quelle que soit la situation : on donne une fessée ou l’on prive de télé un enfant qui n’obéit pas, qui a de mauvaises notes, ou qui a mal parlé à un adulte…

    Est-ce si dramatique de crier ou de donner une fessée ?
    Donner une fessée sous le coup de l’émotion, non, il n’y a rien de dramatique. Mais je suis contre la fessée érigée en modèle éducatif. Quant aux cris, il est démontré que l’on n’apaise pas une émotion par la même émotion en plus intense…

    Pourtant, on a souvent l’impression que les enfants attendent justement que l’on s’énerve pour cesser leur comportement ?
    Ce n’est pas en vous énervant contre un enfant énervé ou en criant sur un enfant qui crie que cela va fonctionner. À court terme, certes, la sidération va stopper net l’enfant, mais à long terme le risque est de basculer dans un système de surenchère, où ce sera à celui qui criera le plus fort…

    À l’image de la société actuelle, n’est-ce pas à des résultats instantanés que les parents s’attendent ?
    Malheureusement, oui ! Or c’est important de faire comprendre aux parents que l’on éduque un enfant sur le long terme. Et qu’en étant fidèle à certains principes, l’enfant se construit peu à peu pour devenir un adulte responsable. C’est comme de parler doucement quand un enfant crie. Cela ne marchera pas dans l’immédiat, mais, petit à petit, l’enfant va intégrer un autre mode de communication.

    Que pensez-vous de mettre les enfants au coin ou de les exclure en les envoyant dans leur chambre ?
    Cette sanction, que j’appelle « isolement », est très mal perçue par certains psychologues, car elle n’est pas sans rappeler l’école, quand le maître humiliait l’élève en le mettant au coin devant tous ses camarades. Pour ma part, je n’y suis pas opposé. Dans les situations où la violence des réactions l’emporte – colère, caprice, agitation, pleurs –, la première chose à rechercher est un retour au calme. Une autre manière de faire est de se mettre soi-même hors jeu en quittant la pièce par exemple, ou en faisant autre chose.

    Y a-t-il un âge pour sanctionner ?
    Tout à fait. Jusqu’à 18 mois-2 ans, l’enfant est dans une phase de son développement où tout n’est qu’expérience. Il ne fait pas de bêtises à proprement parler : s’il met les doigts dans la prise, ce n’est pas pour vous embêter, c’est juste parce qu’il voit 2 trous et 2 doigts qui font la même taille ! C’est important de lui dire, fermement mais sans crier : « NON, c’est interdit », mais cela n’a aucun sens de le punir et encore moins de lui donner une tape sur les mains. Utiliser la tape comme outil éducatif laisse entendre qu’on a le droit de taper pour de bonnes raisons. Plus tard, l’enfant pourrait se demander : « Pourquoi moi, Arthur, je ne pourrais pas donner un coup de poing à mon petit frère pour lui faire comprendre qu’il ne faut pas qu’il touche à mes jouets ? » La tape est d’autant plus délétère qu’elle s’inscrit dans un mode relationnel où faire un peu mal participe de la relation.

    Le petit enfant ne fait donc jamais exprès de nous embêter ?
    Non ! En revanche, certains de ses comportements auront pour seul but de solliciter votre attention. Mais c’est alors différent d’une bêtise, même si le parent peut le vivre comme tel.

    On parle de « sanction », mais qu’en est-il des interdits ? Faut-il aussi tout expliquer ou peut-on se contenter de dire « NON », tout simplement – ce que les parents ont de plus en plus de mal à faire et à tenir ?
    Ce « non », catégorique et ferme, est indispensable. Je crois que le souci vient d’interprétations erronées des paroles de Dolto. On a mélangé « négocier » et « expliquer ». Or, avec un enfant, on ne négocie pas. Mais s’il y a un « non », il y a forcément un « oui », s’il y a une limite, c’est qu’à l’intérieur des limites il y a tout ce qui est possible. Si l’on ne montre à l’enfant que ce qui est interdit, c’est très frustrant pour lui, et il aura du mal à ne pas transgresser la règle. Mais si on lui explique également ce qui est autorisé, cela lui sera plus facile de respecter les limites : « Tu ne peux pas faire de trottinette sur la route, c’est dangereux à cause des voitures, mais au parc tu pourras faire un grand tour ! »

    Mais n’est-ce pas important de préparer les enfants à la frustration ?
    Ce qui me semble encore une fois être efficace, c’est l’association du « non » avec le « oui ». On ne peut pas vivre QUE dans la frustration, même adulte ! Celle-ci devient acceptable si l’on sait qu’à un certain moment il y aura une compensation. L’éducation réussie est celle qui permet à l’enfant de développer sa tolérance à la frustration, c’est-à-dire sa capacité à différer le plaisir.

    Pourquoi certains parents ont tant de mal aujourd’hui à avoir de l’autorité sur leurs enfants ?
    Nombre de parents ont la crainte que leurs enfants ne les aiment plus. Et ce phénomène parasite l’éducation. Les parents ont du mal à résister aux « tu es méchante », « je ne t’aime plus », etc., ce qui les empêche d’exercer leur autorité naturelle. Une crainte totalement injustifiée, car on voit bien – notamment avec les enfants maltraités – que, quoi qu’il arrive, l’enfant reste viscéralement attaché à ses parents.

    Où vous situez-vous ? Du côté des « laxistes » ou des « autoritaires » ?
    Je dirais entre les deux ! Il y a 2 écueils à éviter : d’un côté, celui de ne pas arriver à exercer son autorité par crainte de perdre l’amour de ses enfants. De l’autre, le risque d’une dynamique négative, où parent et enfant sont en permanence dans le conflit : plus le parent sanctionne plus l’enfant transgresse, et plus il transgresse plus le parent sanctionne…

    Commentaires

      Boostez votre vie de famille !

      Chaque semaine, une pincée de créativité dans votre boîte mail !

      S'inscrire